Réorganisation de l’institution cadiale à Mayotte : un enjeu entre tradition et valeurs républicaines
Colloque sur la réorganisation de l’institution cadiale à Mayotte | © Source : Conseil départemental de Mayotte - DirCom

Réorganisation de l’institution cadiale à Mayotte : un enjeu entre tradition et valeurs républicaines

  2 octobre 2024 à 10h (≈ 7 mois) |  COLLOQUE

Les 29 et 30 septembre 2024, l'Hémicycle Younoussa Bamana a accueilli un colloque d'envergure, réunissant les élus du Conseil départemental et divers acteurs locaux, afin de discuter de la réorganisation de l'institution cadiale à Mayotte.

Ce rassemblement visait à réfléchir à l’harmonisation des pratiques cadiales avec les valeurs républicaines, tout en préservant les traditions culturelles et religieuses spécifiques à l'île.

Les thématiques abordées

Plusieurs thématiques essentielles ont été au cœur des discussions, en particulier le rappel du rôle initial des cadis, en tant que représentants du culte religieux, ainsi que leur fonction ultérieure de médiateurs sociaux, conférée par l’ordonnance du 3 juin 2010.

Ce colloque a également permis de revisiter les fondements historiques de certaines pratiques culturelles, telles que le mariage célébré par les cadis, tout en jetant les bases d’une réflexion nouvelle sur la gestion des divorces et la protection matérielle des enfants issus de ces unions. L'objectif serait de mettre en place un mariage unique, combinant droit local et droit commun. Pour y parvenir, une maîtrise approfondie de la science islamique est jugée nécessaire, afin d'adapter celle-ci aux exigences de notre époque.

Le colloque a également abordé la question de la laïcité et ses implications dans le système éducatif mahorais, avec un focus particulier sur le port du kishali (voile) en milieu scolaire. Les discussions ont porté sur l'application du principe de laïcité dans un contexte où les pratiques culturelles et religieuses sont profondément ancrées dans l’identité mahoraise.

Des propositions concrètes

Si l'organisation du colloque, sous l'égide du Département, a été perçue comme « audacieuse» – abordant des sujets jugés sensibles, comme l’a souligné un des intervenants – l’objectif était de valoriser les cadis et de leur trouver un cadre institutionnel et réglementaire leur permettant d’exercer leurs fonctions en toute quiétude, même sur des questions délicates. Ce cadre leur offrirait, par ailleurs, la possibilité de ne représenter que leur propre structure de rattachement, et d’agir avec davantage de légitimité et d'efficacité.

Deux propositions concrètes ont particulièrement retenu l'attention des participants au colloque :

  • la création d’un conseil d’administration cadial, chargé de structurer et d’encadrer la gestion du culte islamique à Mayotte, avec la participation des représentants des confréries religieuses.
  • l’examen d’un modèle de financement islamique, permettant aux cadis de bénéficier d'une autonomie financière tout en percevant des aides publiques, à l’image de certains représentants des cultes en métropole. Ce modèle offrirait une reconnaissance officielle à leur rôle, tout en respectant les cadres légaux en vigueur.

Ces mesures visent à garantir une meilleure intégration de l'institution cadiale dans le tissu institutionnel de Mayotte, tout en assurant la préservation de ses valeurs fondamentales. Ce processus d’évolution représente un enjeu crucial pour l'avenir de Mayotte, à la fois pour maintenir la cohésion sociale et pour assurer un équilibre entre tradition et modernité.

Vers une réforme institutionnelle ?

Ce colloque marque un moment charnière pour l'institution cadiale à Mayotte, soulignant la nécessité d'une évolution profonde face aux transformations sociales, économiques et légales que connaît le territoire. L'institution cadiale, héritière d'une tradition séculaire ancrée dans les pratiques religieuses et culturelles de Mayotte, se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. Elle doit s'adapter aux réalités contemporaines, notamment à l'intégration croissante de Mayotte dans la République française, et aux exigences des principes républicains tels que la laïcité et l'égalité des droits.

Cette adaptation implique une redéfinition du rôle des cadis, qui, tout en restant garants de l’héritage religieux islamique, doivent aussi trouver leur place dans une société en mutation. L’institution est appelée à concilier ses fonctions traditionnelles avec des missions nouvelles, liées aux évolutions du cadre juridique et social. Ainsi, il devient nécessaire de renforcer la légitimité des cadis en les inscrivant dans un cadre institutionnel moderne, tout en veillant à ce que les pratiques religieuses et culturelles demeurent un pilier de l'identité mahoraise.

Les enjeux pour l’avenir

Les discussions ont mis en lumière les défis complexes auxquels Mayotte est confrontée, en particulier la coexistence de différents cadres de référence — républicain, culturel et religieux. Le colloque a souligné l’importance de trouver des solutions équilibrées, permettant de préserver l’identité culturelle mahoraise tout en garantissant le respect des principes républicains, notamment dans le domaine de l’éducation.

Ces deux jours d’échanges témoignent de la volonté des acteurs mahorais de renforcer la cohésion sociale. Les décisions prises à l’issue de ces discussions auront un impact durable sur le cadre institutionnel de Mayotte, en aidant le territoire à intégrer harmonieusement ses spécificités dans le cadre républicain.


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